Le 8 octobre dernier, la biologiste Louise Gratton a participé à une rencontre virtuelle avec la mairie d’arrondissement de Verdun et les Amis du Domaine Saint-Paul.
Préalablement à cette rencontre, Madame Gratton avait transmis aux Amis du Domaine Saint-Paul un texte présentant une approche prudente pour préserver la biodiversité du Boisé Saint-Paul.
La plupart des éléments de cette proposition avaient alors été partagés avec la mairesse Mauger.
À ce jour, peu d'éléments des recommandations de Louise Gratton semblent avoir été retenus par l'arondissement de Verdun.
Voici le texte
Bonjour M. Bossé,
Tel que convenu lors de notre rencontre de vendredi dernier, voici ce que je ferais si j’avais à gérer la situation des frênes attaqués par l’agrile dans le boisé St-Paul de l’île des Sœurs. Ma proposition pourra vous servir de base de discussion avec les gestionnaires de l’arrondissement de Verdun dans la mesure où ils vous permettent de participer à un dialogue constructif menant à une solution satisfaisante pour les divers parties (arrondissement, service des grands parcs, citoyen(ne)s contre l’abattage et citoyen(ne)s pour l’abattage).
Je ne suis pas certaine que le Service des parcs fasse une différence entre un parc naturel comme le boisé St-Paul et un parc aménagé. En prémisse, je tiens simplement à rappeler que l’approche en milieu naturel signifie d’aménager le boisé de manière à préserver les attributs d’un écosystème forestier, sa capacité à se régénérer et de protéger les espèces sensibles notamment les plantes en situation précaire et les espèces fauniques, notamment celles qui utilisent les cavités des plus arbres morts ou sénescents. Ces objectifs doivent guider les décisions de gestion de la végétation et plus précisément, celles des arbres atteints par la maladie.
Cela dit, l’abattage à court terme de tous les frênes, surtout si certains contribuent toujours à former une bonne partie de la canopée, comporte le risque. Je ne connais pas vraiment la situation actuelle mais, ouvrir des trouées ou clairières créent des conditions d’ensoleillement davantage susceptibles de favoriser la prolifération d’espèces de milieux ouverts (ex. verges d’or, aster, ronces) , voire d’espèces exotiques envahissantes (ex. nerpruns), au détriment de la régénération et des plantes de sous-bois existantes.
Par ailleurs, en aucun cas l’aspect esthétique ne devrait guider la prise de décision. En revanche, la sécurité du publique doit évidemment être considérée mais de manière à bien cibler les arbres dangereux. Je doute sincèrement que cela signifie d’éliminer systématiquement tous les frênes atteints à une distance sécuritaire d’un sentier. La Société des établissements de plein air du Québec qui a à gérer la sécurité sur des centaines de km de sentiers a développé une clé d’évaluation des arbres susceptibles d’être dangereux qui permet de calculer les risques de chute de branches et d’arbres et classe ces derniers pour un abattage préventif (total ou partiel), un suivi bisannuel ou quinquennal, de même qu’un émondage. La présence des champignons, des fourches, des chancres, des cavités, des fentes, de la défoliation et de l’inclinaison devient alors indicatrice de détérioration. Le suivi des arbres potentiellement dangereux permet d’étaler leur abattage dans le temps, d’évaluer la vitesse de dégradation de certaines maladies et d’accorder le bénéfice du doute aux arbres dont la situation est incertaine. Voici le lien pour en savoir plus : https://t.ly/628tO
J’ai contacté Véronique Vermette, la personne qui a écrit le billet sur le Blog de Conservation de la SEPAQ. C’est une amie pour savoir si cette clé était disponible.
Voici donc comment je procéderais. Je commencerai par établir un plan de gestion et une planification des opérations sur plusieurs années pour traiter la situation de l’agrile et assurer la régénération du couvert forestier dans le boisé St-Paul.
À des périodes récurrentes, celles-ci pourraient consister à :
1) Identifier Ă une distance de 25 m de tous les sentiers les arbres dangereux;
2) Dans un rayon de 10 m autour de chaque arbre dangereux, identifier la présence des plantes en situation précaire de manière à éviter la circulation de la machinerie et l’empilement des billots et des résidus de coupe;
3) Dans un rayon de 10 m autour de chaque arbre, la présence de régénération naturelle déjà bien engagée (gaulis ou jeunes arbres de moins de 10 cm de diamètre de tronc);
4) En l’absence de régénération naturelle, identifier le nombre d’arbres à remplacer par des essences moins susceptibles aux maladies et adapter aux conditions du site;
5) Procéder à un abattage ou un émondage hivernal alors que le sol est gelé;
6) Procéder, au printemps ou à l’automne, à la plantation de gaulis et de jeunes arbres pour favoriser la régénération du couvert forestier.
Ces opérations pourraient être réalisées toutes les 2 ou 3 années et devraient s’étaler sur plusieurs années (15 à 20 ans) de manière à éliminer progressivement les arbres dangereux et à préserver le caractère ombragé du sous-bois dont dépend la flore forestière.
À l’évidence cela nécessiterait la contribution d’un(e) expert(e) en écologie végétale qui connaît bien le boisé.
Louise Gratton, consultante en Ă©cologie et conservation Ă la retraite