Je ne suis pas un habitué des séances du conseil d’arrondissement de Verdun. Mais depuis que je suis devenu membre des Amis du Boisé Saint-Paul, un groupe environnementaliste qui a lutté contre l’abattage massif des frênes dans notre petite forêt urbaine, j’ai pris l’habitude d’aller entendre notre mairesse et son conseil, dans l’espoir que notre cause soit entendue.
La séance de ce mardi m’a d’abord rappelé l’ennui de certaines assemblées syndicales, du moins avant la période des questions, où l’intérêt a bondi de plusieurs crans. Avant, il a fallu se taper notamment un exposé sur le rôle des pompiers dans notre belle cité, où une officière nous a lu un document PowerPoint qu’on pouvait voir sur un écran géant. Il y avait beaucoup de mots en ion, du genre responsabilisation et conscientisation, mais ils n’ont pas retenu mon attention.
L’intervention de la conseillère Véronique Tremblay, en revanche, n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd (d’autant que j’avais mis mes prothèses auditives). Mme la conseillère y est allée d’une sortie bien sentie contre les critiques qu’elle juge trop féroces contre le parti au pouvoir à Verdun.
Je veux bien croire que les médias sociaux engendrent fréquemment des commentaires qui manquent autant de bienveillance que de nuances. Ayant été blogueur à La Presse, j’ai été souvent moi aussi l’objet de propos malveillants. C’est aujourd’hui, hélas, la règle du jeu.
Toutefois, Mme Tremblay a dépassé les bornes en empruntant des accents nettement populistes. En particulier, quand elle s’est lancée à la défense de la pumptrack de la Pointe-Sud, en affirmant, haut et fort, que les jeunes étaient plus importants que les couleuvres brunes, menacées par l’implantation de cette piste à rouleaux.
Je ne doute pas une seconde que les jeunes soient importants. Mais, même dans une île aussi petite que L’Île-des-Sœurs, il y a de la place, il me semble, pour les couleuvres et les ados. Le respect de la biodiversité, c’est justement de faire cohabiter tout ce qui est vivant. Comme tout le monde, il m’arrive d’avaler des couleuvres, mais celle-là n’a pas passé.
J’ai aussi trouvé sa défense des élus et des fonctionnaires exagérée. Je ne doute pas de l’intelligence des premiers ou du grand professionnalisme des seconds. Mais les citoyens venus discuter avec eux n’étaient pas pour autant des idiots, ce que le ton de Mme Tremblay pouvait laisser entendre.
De plus, j’aimerais rappeler à notre conseillère bien-aimée qu’on peut être intelligents et professionnels, et pourtant, avoir tort. Cela me paraît évident dans le dossier de la piste à rouleaux, que Verdun s’entête à implanter dans un secteur qui ne lui convient pas du tout.
La piste sera installée à deux pas d’un boisé déjà fragilisé par des coupes massives. À deux pas d’un quartier résidentiel dont elle viendra bouleverser la tranquillité. Elle sera aussi située loin des transports en commun. De ce point de vue, la piste à rouleaux ne peut être située à un pire endroit : loin du REM et loin de tous les circuits d’autobus. Mais peu importe, les élus de Verdun paraissent sur une « track » qui ne peut les conduire qu’à la pumptrack.
Prenez maintenant le Boisé Saint-Paul, dont je reviens à l’instant même. Âmes sensibles d’abstenir : c’est la désolation ! « Donnons-nous une chance ! a lancé Mme Mauger. C’est l’hiver. » Il est probable, en effet, que les feuilles camoufleront un tant soit peu l’ampleur du carnage, au printemps. Mais certainement pas complètement. Ce que l’agrile du frêne avait commencé, le Service des Grands Parcs l’a achevé. Mille frênes sont tombés sous les coups des tronçonneuses, laissant de grandes clairières où risquent de proliférer désormais des espèces envahissantes et peu désirables.
Il faudra un nouveau mot pour qualifier maintenant notre boisé. Nous avons déjà en français le terme presqu’île. Je suggère donc presque-boisé. Le presque-boisé Saint-Paul, c’est joli non !
Jusqu’ici, 3400 personnes ont signé la pétition contre la piste à rouleaux, 4000 contre l’abattage massif dans le boisé Saint-Paul, ce qui fait beaucoup d’opposants et de mécontents sur notre petite île. Mais Mme Mauger n’en a cure, car elle a de son côté, affirme-t-elle sans rire, la « majorité silencieuse ».
D’habitude, ce sont les partis de droite, voire d’extrême droite, qui justifient leurs mauvaises décisions en invoquant cette mystérieuse majorité aphone. Que la mairesse d’un parti qui se dit progressiste le fasse m’a laissé… sans voix.
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